mardi 29 janvier 2008

TOSHIHIRO HAMANO




"H"... COMME HAMANO / COMME HIROSHIMA...

(Exposition dans le cadre du Festival international des cinémas d'Asie)

À la Chapelle de la mairie de Vesoul
Jusqu'au 29 février 2008


L'oeuvre exposée dans la Chapelle de la mairie de Vesoul


Les oeuvres de l'artiste japonais Toshihiro Hamano ont fait le tour du monde et s'intéressent principalement à l'idée d'un art "utopique" susceptible de transcender toutes sources de conflits humains par la réconciliation des formes. Un univers graphique qui tire toute sa consistance dans cette idée de deux mondes... de deux forces absolument opposées, et finalement nécessaires de les faire fusionner pour se réaliser entièrement dans un ensemble topologique cohérent. Une ligne, un signe-métamorphose, la forme idéale... D'une typographie stricte d'un occident tout occupé à multiplier les conditions d'un monde dans toute sa finitude matérielle, à ces idéogrammes, cette calligraphie toute mystérieuse de l'extrême orient. Un art du Zen, mais ce serait trop facile...




DÉCODAGE : Regardez... ou plutôt : Écoutez ! Oui, écoutez la force d'un phonème épuré jusqu'à la consistance de sa forme physique idéale. Regardez ce "O" d'en haut, et prononcez-le maintenant dans la perspective d'une grande profondeur de sentiments humains. D'en haut : un "O" en forme d'un oeil cyclopéen. Continuez par cette voie du haut : Percez le mystère d'un "O" vu du haut, celui des ronds dans l'O... Des "O" du "O" (Le grand marché, l'illusion de l'expansion !) Pensez alors un "Ô" en forme de toute une géographie ancienne. Le "O" d'un fond d'une arène romaine, et chantez-le maintenant, à la hauteur tragique d'un ancien théâtre grec. Bref ! Ôtez-vous un tas de préjugés de la tête et ouvrez grand vos yeux.




Comparez maintenant cette image à la première... Le "O", le même ! Mais cette fois à la modeste hauteur de son segment. Ce trait de caractère couché sur l'horizon. C'est toujours bien le "O" du haut de tout à l'heure, mais dans une perspective bien singulière d'un spectacle ouvert à la portée de n'importe quel spectateur. Une portée. Une clé (à gauche), une pagode... pour entrer dans une gamme de silences bien ordonnés. La porte d'entrée d'un opéra doré. Une clé-temple, le Kondō (金堂 une salle d'or)... et quelques notes en forme de "boites" de Donald Judd accrochés aux murs pour lui répondre. Un modèle musical échappé d'un expressionnisme abstrait et passé au crible du minimalisme le plus radical. L'oeuvre pour l'oeuvre et sans artifice est un cortège de mathématiques dans ses tons les plus purs. Mais compter dans la solitude d'un monochrome ne servirait à rien. Non, Toshihiro Hamano ne compte rien de la séparation des mondes qu'il occupe si intensément pour les fondre dans son macrocosme. Il les multiplie à l'infini des cultures terrestres pour réussir à se trouver lui-même au firmament d'une cité universelle.



L'artiste est un petit garçon de la terre et du temps d'Hiroshima. Le "détail" a son importance. (Et osez encore à ce sujet, ouvrir les yeux sur cette "idée" lumineuse (image ci-desus) en forme de champignon nucléaire. Une porte "de la serenité" fière et toute en contre-plongée dsur le modèle d'un cinéma hollywoodien... L'énergie vitale d'un passé immense, de toute une tradition dans le flux de la lumière incandescente d'une simple ampoule électrique). Oui, comprenez Toshihiro Hamano comme il vous plaira de le penser en paix avec l'histoire de ses mythes fondateurs. Un coup de pinceau symbolique, celui du pardon peut-être ?!... Toute une reconstruction possible avec la matière réfractaire des deux camps réconciliés.





Où nous pouvons comprendre par là, qu'une seule et unique couleur mystique lui suffit pour tout dire des "portes d'entrées" qu'il dessine... et des "réceptacles" fondus en pleine lumière d'une atrocité indicible à l'échelle humaine. À l'empire des figures de Toshihiro Hamano, s'accroche ostensiblement le rayonnement d'un soleil sacrificiel.


Champignon nucléaire après l'explosion de la bombe au-dessus de la ville d'Hiroshima/Japon


Permettez-vous alors de tout reprendre depuis le début sous cet angle nouveau : Ce "O" d'en haut dans la première image. Ce cratère... L'endroit de impact du 6 août 1945 où s'écrase la formidable épreuve d'un monde ancien déchiré par le feu terrible des bombes. De cette géométrie parfaite, naît l'idée à peine abstraite d'un château traditionnel en forme de vaisseau amiral, et qui prend alors toute son envergure, toute sa signification dans l'image mise en perspective qui suit. La couleur encore... À celle du feu de l'enfer, succède donc, le soleil rasant du matin. Le choix d'une couleur identique pour tout ce qui conviendrait au contraire d'opposer. En quelques tableaux jaunes et noirs, Hamano ne nous parle assurémént de rien d'autre que du sort de ces 250000 victimes sacrifiées et surtout de la manière de réapprendre à regarder le ciel juste après. Vous prononciez ce "O" d'exclamation devant tant d'esthétique et de sérénité... mais c'est bel et bien à la lettre "H" que tout commence dans l'oeuvre d'Hamano.




"La voie de la sagesse humaine"... Voilà tout le programme de cette exposition. Un voyage dans "l'empire des sens". Une oeuvre colossale de transcendance, dont personne ne saurait affirmer qu'il s'agit mieux de lire que de regarder... les signes du changement, "l'harmonie" possible du temps présent dans les symboles apaisés du passé.

Jean-Luc Gantner