jeudi 2 avril 2009

LE COUP DE CHAUD / XIV



(ROMAN EN LIGNE)
LE COUP DE CHAUD
-14-



Un roman... et c'est évidemment Tony™ qui s'y recolle ! Sacré Tony ™ ! Un roman... ou une somme de lignes superposées au mouvement de l'air ambiant. Un de ces procédés écologiques pour dire la couleur verte qui lui coule dans les yeux au lieu d'une industrie lourde incapable de le distraire vraiment. Un roman... disons plutôt une correction à la volée d'un vieux manuscrit laissé pour compte par faute de temps, l'été 2003. Le coup de chaud... où ce qui arrive à force de prendre des douches froides au travers du cadre strict d'une météo de merde. Le coup de chaud ou une façon de décliner un paquet d'histoires anciennes, des engrenages, la mécanique rouillée des passions en retard. L'effort illuminé d'en découdre avec ses vieilles leçons de voyages, les malles défaites un peu partout dans le coeur de gens admirables et réconfortants. Le coup de chaud... comme on dirait : de La poésie, le cinéma... un tas d'emmerdements à la fin.


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CHAPITRE 7
L'AMANITE TUE-MOUCHES
Amanita muscaria
(SUITE / 2)


Depuis sa première virée dans la forêt de Marion, Antoine s’était considérablement émancipé sur le plan sexuel au détriment de ses facultés premières en poésie. Des progrès en science dont Pierre aurait pu s’amuser, au contraire de sa prof de français qui commençait à ne plus y comprendre rien. « Un usurpateur… un fumiste, voilà tout ! » La belle affaire d’un type plein de talents qui gaspille tout en conjectures imprécises pour se faire remarquer dans les cercles réputés de la science infuse. Marion avait tout essayé en forme de lettres que la jeune fille gardait serrées entre ses cuisses pour l’aider à vomir les soirs de cuite. Des billets doux qu’Antoine effeuillait les uns après les autres, dans un bouillon de culture archaïque. Des lettres qu’il s’empressait de reproduire par goût du dessin, des traits et des plis délicats, sur son cahier à spirale. Des lettres ou une somme de caractères plutôt ; épandus à partir d’une lettrine cabalistique, une forme élémentaire d’un papillon bleu exotique à la manière d’un « M » majuscule introspectif. M comme Marion ; M comme Muse… M comme ça m’amuse de baiser avec elle dans les bois… (mais) c’est aussi le Mois de Mai qui arriverait bientôt. À une autre page, le journal poursuivait par une suite de casses, sensiblement plus ouvertes sur le monde extérieur. Un M comme joli Mois de Mai, un M… comme Mai 68 (les manifs à la Sorbonne, les barricades dans le quartier latin…) M comme Marxistes-léninistes pro chinois, comme Maoïstes « égarés » dans la perspective d’une jeune garde rouge à la française, pour se délivrer du mal gaulliste et d’un tas de saloperies bourgeoises et réactionnaires qui allait avec… Les freudo-marxistes libertaires, truc, machin… et leur impressionnante Marge de progression pour réussir à finir quelques années plus tard dans les rangs d’un néolibéralisme sauvage et mondialisé…) M comme Marijuana pour aider à faire des trucs aussi contradictoires sans se rendre compte de rien… M comme Minijupes (comme tout ce qu’on pourrait maintenant voir dessous sans avoir à se baisser), M comme Révolution sexuelle, et c’était quand même pas trop tôt ! (Un certain sens de l’emportement d’Antoine avait manifestement dû laisser échapper la possibilité d’un caractère… relativement inopportun dans ce contexte d’un abécédaire aussi rigoureux). La liste s’allongeait sur plusieurs pages de digressions plus ou moins cultivées, jusqu’au M de… Marie.

-X- On avait encore rajouté à l’encre effaçable : M comme le Mépris. JL Godard 1963

À la lettre « V » comme Verbatim, Verlaine, Valgaudmar(X), ou Vermeer… Marion ressentit comme une forte douleur au ventre, une impression de dégoût tout de suite après. Vérone, Venise… Marion n’avait pas voulu insister. À la radio, on annonça l’assassinat de Martin Luther King à Memphis, Tennessee, mais il était déjà trop tard !

-X- Vallée étroite et encaissée du massif des Écrins. Réputée pour son pastoralisme, son manque d’ensoleillement en hiver et ses oreilles d’ânes…

Les mois qui suivirent eurent des effets déplorables sur la condition physique de la jeune partenaire d’Antoine. Une période critique de la politique française où montait jour après jour une irrépressible envie de s’exprimer à l’endroit d’une jeunesse étudiante des beaux quartiers parisiens, bientôt prête à tout foutre en l’air pour se faire de la place dans le conservatisme « solidaire » et « durable » D’une époque où tout allait pourtant pour le mieux. Cette manie des français de vouloir tout le temps la ramener, de ne jamais se satisfaire de rien, d’en vouloir toujours plus alors qu’ils n’en foutent déjà pas une rame… Cette façon qu’ont les petites gens d’espérer changer le monde à coup de slogans souffreteux dans la foule ramassée. Des communistes… Une bande de saloperie de gauchistes, des fouteurs de merde et puis c’est tout !

Cette sorte d’idée et mille autres du même acabit… faisaient l’objet de nombreux débats, de longues soirées à boire au « Citizen Kane ». Des désaccords à n’en plus finir, tranchées entre deux catégories de discoureurs d’élite. « Entre ces deux groupes d’humanité en progrès » (et là aussi : le philosophe de Ribemond, le légataire testamentaire des lumières, le dernier des encyclopédistes, le mari de Sophie… aurait pu trouver matière à compter) Mille formes de positivisme entraînaient mille manières constructives de s’y opposer formellement... ou le contraire le plus souvent ! Le progrès chiffré contre l’idéal indéchiffrable... ou tout l’inverse encore ! L’exercice creusait des fossés entre des paquets d’ « artistes-philosophes » de la bonne société et un tas de gens « de terrain »… Ceux-là, et ceux qui détestaient la culture physique, les trop grandes enjambées, l’impression de vitesse, de creux dans les vagues et le vent dans les yeux ; ceux qui creusaient des écarts de champions olympiques derrière eux et ceux qui creusaient tout court sans espoir de rattraper personne (« Tous ces putains de bougnouls(X), les rats, les maghrébins, et puis tous ces africains qu’on commencerait un jour à voir débouler de partout »…) ceux qui bouchaient les trous ; ceux qui rebouchaient tout juste avant de partir pour qu’on les oublie, pour qu’on leur foute enfin la paix. Les alpinistes et ceux qui préfèrent la plage, les « girondins » contre les « montagnards » ; la vita contemplativa et la vita activa, le ciel et la terre... Un sacré joyeux bordel !

-X- N.D.E. Le terme « Bougnoule » est ici employé avec toutes les pincettes et les guillemets qui conviennent, et bien avant qu'on lui adjoigne le synonyme d'« acculturation » responsable de pas mal de maux affligeants dans les écoles françaises. Car vérification faite, et nous avons bien sûr tout, absolument tout vérifié avant d’imprimer, comme il est de notre nature de le pratiquer, pour être bien sûrs de ce que nous pourrions nous faire reprocher de ne pas avoir suffisamment tout et vraiment tout vérifié, par mesure de précaution et de sécurité pour le bien de tous, de nous-même et de l’auteur. Pour sa protection, la nôtre, ceux des lecteurs qui seraient en droit de se poser la question et d’espérer une réponse rassurante… Par respect des règles d’éthique et du code de déontologie propres au métier de diffuseur culturel dont nous mesurons toute l’importance pour les générations futures. Pour l’histoire, en tant que le texte témoigne de faits de dates et de lieux absolument et incontestablement véritables... Nous tenons à préciser au jour de l’impression, qu’à notre connaissance et d’une façon avérée et indubitable : Aucune personne de couleur n’avait jamais encore fréquenté l’établissement (ci avant et après dénommé dans le texte « le Citizen Kane »), au moment de l’action décrite dans cet ouvrage. Aussi et au vu de ce qui précède, conscient de l’inopportunité d’une telle erreur commise par l’auteur et uniquement par lui-même, comme le dit-auteur nous l’a avoué par écrit et signé à notre demande devant huissier (et l’acte est bien sûr à déduire des bénéfices partagés par cette personne) ; nous donc ! nous l’éditeur, déclinons toute responsabilité passée, présente et à venir, individuelle ou collective, consentante ou non... quant à l’interprétation raciale discriminatoire qui pourrait foutre en l’air l’esprit général du texte et sa mise en conformité avec les lois en vigueur dans ce pays (ce pays et tous ceux dans lesquels il pourrait être négocié des droits de traduction à l’avenir).

Au point des derniers verres d’alcool supplémentaires offerts de part et d’autres des différents camps opposés, la quête du progrès infini de l’esprit humain s’achevait invariablement de la même façon. Une véritable foire d’empoigne, et « Kane » en personne (pas le mari de Barbie, mais le patron du troquet qui défendait toujours la cause de ses propres intérêts) foutait tout le monde dehors à coup de pompes dans le cul, sans distinction de couche sociale dominante ni de catégorie socio-culturelle particulière. Kane… Un drôle de sacré puncheur ! Le mec était gaulliste, je crois ? (ce qui ne présente qu’un intérêt tout à fait limité pour ce qui nous concerne ici.) Enfin, le type resté gaulliste comme tout le monde même après les événements. Mais là, c’était juste avant ! Juste avant le bordel dans les rues à Paris. Juste avant le souk dans les amphis, sur les boulevards et dans les usines. « La chienlit ». Juste avant, ou disons, quelques mois plus tôt, pour être un tout petit peu précis d’un point de vue historique. Un véritable hiver de merde sur le plan musical. Sheila caracolait au top des ventes de 45 tours depuis plusieurs années, mais il y eut encore pire ! Pensez qu’Éric Charden par exemple (Eric qui ?!...) tentait de chanter l’Ave Maria pendant que les Charlots répandaient leur célèbre Paulette, la reine des paupiettes sur les ondes radiophoniques à la fois belges, suisses et françaises. Michèle Torr… couinait un truc que tout le monde ou presque a forcément oublié, comme ce néo réaliste nationaliste nauséabond de Michel Sardou qui en plus chantait complètement faux. C Jérôme enfin… « C » pour le prénom de la vedette en question, à moins que ce ne fut le contraire ?! Cet hiver-là, ce « C » là avec un Jérôme au derrière, cartonnait dans les hits parade avec Le petit chaperon rouge est mort… Tout un programme ! Par je ne sais quel miracle, le pays avait tout de même réussi à tenir le coup jusqu’au milieu du printemps.

Le nom d’Alexander Dubček(X) commençait à peine de circuler dans les journaux français à propos du mouvement d’émancipation en Tchécoslovaquie. Antoine venait de rencontrer Marie, et Marion fit ce qu’elle put pour encaisser le coup.

-X- À partir du mois de janvier 1968, des réformes libérales entreprises par le nouveau responsable du parti communiste tchécoslovaque promirent un assouplissement du régime et une démocratisation politique. Au programme : un socialisme à visage humain… qui s’achèvera le 21 août avec l’entrée des troupes du pacte de Varsovie dans le pays. Ces événements sont connus sous le nom de Printemps de Prague. (Voir sur le même thème : Leonid Brejnev, deux fois président du soviet suprême, 4 fois Héros de l'Union soviétique, cavalier de l'Ordre de la Victoire, 8 fois titulaire de l'Ordre de Lénine, 2 fois titulaire de l'Ordre du Drapeau Rouge, 2 fois titulaire de l'Ordre de la Révolution d'Octobre, Nombreuses autres décorations…)


(À SUIVRE)