dimanche 13 septembre 2009

LE COUP DE CHAUD / XXX



(ROMAN EN LIGNE)
LE COUP DE CHAUD
-30-



Un roman... et c'est évidemment Tony™ qui s'y recolle ! Sacré Tony ™ ! Un roman... ou une somme de lignes superposées au mouvement de l'air ambiant. Un de ces procédés écologiques pour dire la couleur verte qui lui coule dans les yeux au lieu d'une industrie lourde incapable de le distraire vraiment. Un roman... disons plutôt une correction à la volée d'un vieux manuscrit laissé pour compte par faute de temps, l'été 2003. Le coup de chaud... où ce qui arrive à force de prendre des douches froides au travers du cadre strict d'une météo de merde. Le coup de chaud ou une façon de décliner un paquet d'histoires anciennes, des engrenages, la mécanique rouillée des passions en retard. L'effort illuminé d'en découdre avec ses vieilles leçons de voyages, les malles défaites un peu partout dans le coeur de gens admirables et réconfortants. Le coup de chaud... comme on dirait : de La poésie, le cinéma... un tas d'emmerdements à la fin.


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CHAPITRE 14
(SUITE 2)

LA NUIT DU VINGT AU VINGT-ET-UN JUILLET DIX-NEUF CENT SOIXANTE-NEUF ...

et l’exceptionnel sang-froid d’un homme qui réussit cette manœuvre d’alunissage au jugé dans la poussière sélénite, au lieu de son ordinateur de bord aux neurones encore balbutiants et complètement débordés.


Je crois qu’au solde d’un long silence entre nous, il fut convenu qu’un peu agacés par l’aspect répétitif et très analytique de cet enregistrement au piano de l’œuvre numéro 988 dans le catalogue BWV de Bach, nous arriverions à Rachmaninov (la symphonie N°2 en mi mineur, op. 27 de Rachmaninov). Le troisième mouvement. Cette cantilène amoureuse confiée à la clarinette précédant la réponse de l’orchestre tout entier ; l’Adagio célèbre, à propos duquel Schopenhauer disait précisément (et pour revenir juste à l’instant au philosophe de Dantzig) que « tous les écarts de la mélodie représentent les formes diverses du désir humain ; et son retour au ton fondamental en symbolise la réalisation ». « Plus qu’une mer, un océan » selon Baudelaire. Et puis tout à basculer. Tout s’est arrêté net dans la morne incandescence de ses joues livides et hâves.

Il s’effondra d’un coup.

Jules parlait maintenant depuis des heures, le mouvement de sa bouche comme une oscillation corollairement accrochée à sa passion folle de vouloir démonter chaque pièce d’un engrenage industriel frauduleux ; une gigantesque opération de maquillage répandue jusqu’au seuil des étoiles et qui le dépassait complètement ; l’arnaque des arnaques.

Le fils Chaumont laissa d’abord tombé ses yeux sur le sol verni du salon et pile à l’endroit du reflet chancelant d’une sonde russe un peu déboussolée au passage de trois artistes américains, le sourire jusqu’aux lèvres, épatés par la couleur avachie du noir sidéral. Je remarquais surtout sa tête baissée en train de se déformer sous l’effet d’une vitesse orbitale considérable. Toute la carcasse de son corps semblait ne plus vouloir se maintenir qu’à la force d’une volonté électrique instinctive. La simple ruse d’un homme ivre. Une lueur vermeille transperçait la fenêtre en rais pâles alors que je décidai de me relever pour m’habiller et prendre congé de mon témoin. La pluie avait définitivement cessé.

Il faisait bon. La rue scintillait de micro particules de matière brillante incrustées dans un immense aplat opaque. Je guettais le passage d’Hubble entre l’unique tour nord de la cathédrale St Pierre et l’angle sud de la bibliothèque municipale. Mais je ne vis rien. Pas une seule arme qui pût espérer déchirer la voûte céleste encore moite, par l’effet d’un corps flamboyant. Remâchant une tonne d’indices contradictoires sur la présomption d’une invraisemblable opération de concussion organisée dans la substance d’état pour le plus grand profit d’un remaniement libéral de l’économie à l’échelle planétaire. J’eus d’abord du mal à tout rassembler du grand cirque esthétique et de l’état contemplatif qui me tenaient encore en haleine depuis mon départ précipité de chez Jules. Un sentiment multiple m’accrochait, comme un réflexe d’angoisse m’aurait épinglé par tous mes pôles. Et j’eus froid aussi, à l’idée que me fusse trouvé si longtemps claustré au lieu d’une telle ignorance eu égard à ces mille feintes décochées contre mes belles illusions d’enfance et toutes les certitudes de mon éducation. Quelle sorte de vérité partiale avait su à ce point discipliner mon esprit ? en sorte qu’il me fut toujours impossible de me convaincre d’autre chose que ces dogmes en uniforme, ces sortes d’axiomes analgésiques perfusés en vérités inébranlables. J’ouvris alors les yeux comme un nouveau-né sur un nouveau mode de circulation propre à mon esprit. Découvris cette faculté nouvelle de naviguer à vue dans quelques passages tortueux flânant d’instinct par-dessous des frontières archaïques. Bref ! je décidais d’explorer à nouveau toutes les preuves par la voie nouvelle d’une hémorragie intérieure autonome et absolument affranchie.

J’entrepris de réexaminer, un à un... chaque argument, chacune des charges rapportées par les uns et les autres en commençant par les kilos de roches lunaires déplacées qui prouvassent bien ce que nous eussions encore besoin de prouver pour rassurer le mauvais esprit ambiant : L’indication de tirs lasers exécutés presque toutes les nuits depuis la terre vers l’un ou l’autre des trois réflecteurs déposés par les missions 11, 14 et 15 afin de mesurer l’évolution de la distance entre la terre et la lune (soit en moyenne 384 000 kilomètres). Sur ce point, je me souvins aussi que Jules m’avait exposé qu’en 1751 déjà ! François de Lalande et l'abbé Nicolas Louis de La Caille avaient obtenu une valeur extrêmement proche de celle de la NASA par l’intermédiaire d’une simple méthode de triangulation calculant la parallaxe de la Lune (ce qui ne prouvait pas grand-chose, mais le renseignement avait tout de même réussi à faire son petit effet !) Quant aux russes... qui n’avaient pas bronché... leur silence, leur manque de réaction dans cette affaire, ne constituait-il pas l’élément le plus incontestable de la crédibilité américaine dans la matière de leur réussite authentique et parfaitement avérée ? Un argument encore... —et malgré les bruits ineptes qui courent sur les dizaines de photographies jugées aberrantes par certains spécialistes ; certaines vidéos réputées falsifiées par les principaux détracteurs— Oui, pourquoi la NASA aurait-elle multiplié les risques à sept reprises (six atterrissages réussis, et le célèbre retour en catastrophe d’Apollo XIII) d’être découverte dans son entreprise de falsification, alors qu’un seul voyage d’Apollo XI avait suffi à remplir tous les termes du contrat sans une bévue ? Enfin, comment autant de personnes impliquées dans le programme lunaire (des dizaines de milliers de techniciens, d’ingénieurs de toute obédience...) seraient-elles restées dans l’ignorance la plus totale d’une imposture, d’une mystification aussi extravagante, la plus grande arnaque de l’histoire de l’humanité ? Blablabla, blablabla...

Où je convoquerai pour la dernière fois la folie du métaphysicien prussien de la volonté et du principe de raison suffisante en ce qu’il avait écrit avec une certaine pertinence empruntée à Kant sur l’objet de la géométrie et de la théorie de l’espace... qu’il faut toujours se méfier des représentations du monde en tant que cette définition correspond à une forme juxtaposée à notre volonté de croire en ce qui nous plaît, et pour le plus grand bien d’une volonté intérieure qui nous dépasse complètement. Et considérez, cette fois pour en finir vraiment, cet exemple soulevé par ce valeureux maître du phénomène d’intuition (passant sur le sujet du génie d’Euclide le précédant de plusieurs siècles au même endroit) : Celui qu’un triangle puisse présenter trois côtés égaux et pour lequel vous vous demanderez si trois angles, eux aussi égaux, sont susceptibles d’en dominer la cause ?... Allez, faites un effort, le dernier ! Je vous le demande, comme un service. Où vous devrez nécessairement conclure, qu’il ne saurait être question d’une relation entre des concepts ou des jugements, mais seulement d’une évidente corrélation entre des angles et des côtés...

Pour ma part, j’avoue avoir préféré l’homme du Vouloir vivre et de l’art de la sagesse, ce « Bouddha occidental » décrit par Nietzsche... sur la rédaction de son monde contemplé. Cet intérêt qu’il portât à l’artiste, en tant que son génie s’accorda mal au vulgaire pleinement repu et satisfait de sa routine quotidienne. Ce beau chapitre sur la beauté... De quoi parlions-nous ?

Dans une sorte d’hypocrisie librement assumée, je dus conclure bêtement que l’immense océan de preuves qu’un homme avait bel et bien mis les pieds sur la lune dés l’année 1969 (triangle ou pas...) suffirait toujours à éclipser les torrents d’affirmations du contraire, et m’en tînt à cette dernière réflexion. La nuit filait vers le crépuscule... et je n’avais toujours rien appris de plus à propos de ces six heures trente... ce vide total de six heures trente qui m’encombrait l’esprit depuis des mois. Allo... Allo Huston... ici la base de la tranquillité... Allo... Et personne ne répondait jamais. Un sentiment d’abandon indescriptible.


(À SUIVRE)