dimanche 23 octobre 2011

LA BOITE À SOUVENIRS LA BOITE À SOUVENIRS DE NÉON™ / IV



L'HISTOIRE D'UN BEAU MARIAGE ENTRE UNE DEUX CHEVAUX ET UN SÉRIEUX COUP DE POMPE QU'ON S'ÉTAIT PRIS JUSTE APRÈS...



L’année, disons les années quatre-vingt... Je n'ai pas une mémoire infaillible à propos des jours de pluie et de leurs conséquences sur les pare-brises. Une Deux chevaux, rouge (Elle… je m’en souviens très bien…) qui fonctionnait à l’air pur et n’avait pas de frein malgré tout ce qui la retenait de se lâcher vraiment. Une 2CH chic d’une couleur amoureuse et une paire d’EB™ dans leur version cousues main. Des « Super Maestria’s » dessinées par un type qu’on appelait JC Droyer (ce type-là ne vous dira sûrement rien, qui a pourtant révolutionné sa discipline au début des années quatre-vingt. Une sorte de chantre de l’escalade dite « libre » comme l’ont d’abord pratiqué les belges et les anglais bien avant les grimpeurs français qui continuaient encore de « tirer aux clous » selon l’expression consacrée. Une bande de ferrailleurs des cimes, et pas toujours commodes quand on pensait pas comme eux !) Bon, et voyez au moins comme j’essaye d’être précis avec vous sur le point d’une paire de godasses mythique en toile bleue et sa semelle de gomme dérivée du modèle « Super grattons » pour ceux qui aiment se rappeler ce genre de détails superflus.


PHOTOGRAPHIE © JL GANTNER

Une bagnole et une paire de croquenots. Deux souvenirs photographiques, pas grand chose, d’une période où l’on se prenait pour des acrobates. Une bande d’équilibristes sans un rond, qui dormions dehors, et un peu dupes de tout. Le genre de vagabonds qui vivions à la belle et au rythme des projets de grande vie de marins au long court. Des projets de grandes voies d’escalade dans les Alpes et d’expéditions en Himalaya. Toute une vie de Grand reporter ou d’écrivain voyageur. Je ne sais pas si je me souviens de tout, mais je pigeais à l’époque pour un journal de gauche qui me valait quelques critiques de mon grand père plutôt à droite depuis que la guerre avait succédé au grand ramdam du Front populaire. Moi je n’y comprenais rien. Mon grand-père du côté de personne (une sorte de grand-père qu’on avait trouvé pour moi, plutôt que de ne jamais avoir eu de grand-père du tout !) Un journal… Un grand quotidien de la démocratie socialiste comme c’était encore marqué dessus avant qu’il ne se mette à cirer les pompes à tout le monde. La gauche, bien avant celle de Hollande ou de Martine Aubry… La gauche des années Mitterrand qui avaient pourtant si bien commencé dans le genre de métier du faiseur de brillances à bon prix). On se baladait chaque jour (ma deuche et moi) à la recherche d’une bonne feuille à écrire sur les conseils d’un rédacteur en chef ou d’un autre. Une pile de copies pour remplir des grandes pages blanches entre les cases réservées à la publicité payante, et quelques portraits aussi. Mon exercice préféré pour essayer de comprendre un tas de gens qui ne pensaient pas comme moi : Des fabricants de pompes en toile bleue ou des laveurs de vitres, des bureaucrates ou des vendeurs de chiens, des pilotes de tracteurs ou des réparateurs de Deux chevaux… (Elle… et moi n’étions pas à un voyage près !) On n’est pourtant jamais parti pour de bon. Ni elle, ni moi. Ou plutôt, on a fait semblant tellement de fois. Elle, un peu clinquante dans sa belle peinture rouge sur les ailes et qui démarrait au car de tour ; et moi, qui lui avait rapidement préféré une Volkswagen™ de couleur moche pour passer inaperçu au milieu des alpinistes allemands. Ma Volkswagen… troquée ensuite contre une Ford™ de la même couleur que la Deux chevaux dont je vous parlais à l’instant. Une Ford taunus rouge carmin au moteur qui ronflait et un vieux Nikon™ à déclenchement mécanique attaché autour du cou pour photographier la guerre sur fond d’un paquet de gens qui crevaient dedans sans avoir jamais rien su des snipers de droite ou de gauche qui leur avait tiré dessus.


PHOTOGRAPHIE © JL GANTNER


Une bagnole qui a dû terminer sa course folle en forme de compression dans une galerie de recyclage pour métaux ordinaires, et une paire de souliers d’escalade en toile dont j’ai perdu toutes traces aujourd’hui… Voyez ce qu’il me reste de ces années quatre-vingt dont je n’envie à personne de les avoir vécues dans une robe de mariée sans se rendre compte que son amoureux à genoux sous les cloches n’était pas forcément le meilleur des sacristains. Une sacrée bonne équipe au début pour bouffer les dragées. Les années quatre-vingt et sa musique un peu con au lieu des Smiths que personne n’écoutait vraiment. Tout ce que ces belles années-là avait jugé périmé ou trop grave pour réussir à se trémousser dessus. Les Smiths, comme on écouterait Phoenix aujourd’hui (J’ai dit Phoenix au hasard bien sûr !… Phoenix pour le côté voyage à grande vitesse à l’intérieur des tunnels et la lumière incandescente qu’on se prend chaque fois dans les yeux.) Oui, je sais que tu écoutais les Cure à ce moment là ! D’ailleurs moi aussi j’écoutais Roger Smith. Smith, les Smiths… C’est drôle non ? Phoenix, les Smiths ou ce que tu veux d’autre, la tête basculée sur les sièges en cuir d’une 300SL un peu chère malgré ses beaux yeux et ses portes qui s’ouvrent comme les plans d’un film de Kiarostami. Des bagnoles de cinéma au lieu d’une Deux chevaux dans la vraie vie et ses ressorts un peu mous. Des machines recouvertes d’acier brossé, juste pour frimer un peu avec une belle mariée plantée d’dans. Une jeune femme et sa bague au doigt toute neuve qui commence de se faire chier au milieu de tout ce déballage de machins publicitaires dans la vitrine. Elle… (la belle mariée) qui aurait peut-être préféré se faire un peu peur dans les virages serrés qu’elles avait imaginé à seize ans. Les années quatre-vingt… et les vingt cinq ans qui sont passés depuis sur la couleur blanche d’une jolie robe de mariée dont personne n'a jamais retrouvé la photo. Ne me demandez pas d'autres explications.
NÉON™