jeudi 30 octobre 2008

NÉON™ AU MARATHON DE LAUSANNE



COURSE À PIED


NÉON™ AU MARATHON DE LAUSANNE...
26 octobre 2008


Du sport dans le Journal de Néon™ - Deuxième ! De l’activité physique pour s'assouplir les méninges et voir du pays défiler sous ses pompes... Après une expérience sur le semi marathon de Genève, Néon™ retourne en Suisse tenter sa chance sur la distance mythique du marathon.




De l'égalité des chances présumée pour remporter une victoire sur soi-même, à la propension de chacun à s'en tenir à son plan de départ pour ne pas finir complètement cuit après un effort pareil.


L’histoire se déroule à Lausanne, la capitale olympique ou celle du canton de Vaud... appelez cette ville-là comme vous voudrez ? Lausanne, en Suisse, une ville de gauche avec ses châteaux médiévaux un peu snobs, et ses hôtels de luxe vissés sur la rive droite du lac Léman pour narguer les français d’en face et leurs petits tracas financiers. J’avais pour ma part, préféré l’anonymat d’un établissement moins tape-à-l’œil, un bivouac plus discret en temps de crise, une suite toute simple dans un hôtel perché au-dessus de la gare. Je dis ça dans la plus totale hypocrisie du type qui aurait fait n’importe quoi pour roupiller à l’hôtel Angleterre ou à même le tapis persan de la suite 315 du Beau rivage, mais bon. Je me rassure avec mes belles idées de gauche, mon procédé rhétorique récurent du mec qui tient envers et contre tout à continuer de se battre contre toutes les formes d’inégalités sociales pour rester fidèle à ses principes hérités d'un autre âge. Le type qui en a... un mec qui a les couilles de dire ce qu’il pense tous les jours à la même heure avec sa bande de potes entièrement convertis aux belles idées pas trop chères à trouver. sa lutte, son engagement pour que quelque chose change un jour dans ce foutu monde de goinfres, individualiste, et tellement sûr de lui. Et je ne vous parle-là bien sûr que du menu fretin, du petit nanti à sa mémère, du petit propriétaire sans prétention qui s'arrange pour garnir sa bibliothèque d'une littérature bien élevée. Les vrais courageux, les forçats des trente-cinq-heures-à-en-découdre avec leurs vacances à essayer de caser entre les RTT, pendant qu'un tas d'autres triment à leur place sans pouvoir la ramener. Des gens de gauche, des humanistes... ; des... pour la paix dans le monde et contre les enfants qui meurent de faim en Afrique ; des contre la guerre en général, à part du côté palestinien. Des... pour que tout le monde aille bien dans le meilleur des mondes, du moment qu'ils peuvent garder leur blé et leur propriété privée.



Un bon hôtel donc, où juste ce qu'il faut pour passer une nuit confortable avant le grand jour, le big day, le jour J. 42,195Km... La distance m'effraye encore rien que d'essayer de l'écrire.
J'avais à peu près tout lu depuis six mois, de ce qu'il faut lire, à propos de cette course mythique. L'entraînement le plus adapté, 6 séances de course par semaine (le truc impossible à tenir pour un type obligé de bosser toute la journée comme tout le monde) ; Le meilleur régime alimentaire possible (fibres, eau plate et menus crétois, sucres lents, lait de soja et tofu...) Ce qu'il ne fallait pas faire surtout ! Partir trop vite, griller toutes ses cartouches dès le départ, accélérer à la première côte pour jouer les gars qu'en ont sous les semelles devant un public médusé... Et voilà, en plein dans le mille ! Un premier "semi" en à peine plus d' 1H30 et "le mur" quelques kilomètres après. Un véritable chemin de croix. Les quinze bornes les plus difficiles qu'il m'ait été données de parcourir à pied sans intention de rapporter quoi que ce soit d'un tant soit peu utile en échange. Des kilomètres qui s’allongent sans motif, un kilomètre comme mille étages à remonter, et dix mille paliers à franchir pour espérer revoir enfin la terre. "L'enfer suisse". Une vraie galère. Un temps de 3H23 à l'arrivée, les dix derniers kilomètres presque en marchant et un plan de 3H et quelques... qui n'aura jamais servi à rien. Un plan, un contrat de principe entre les sacrifices consentis, la quantités d'efforts fournis à l'entraînement pendant des mois... et ce qu'on est quand même en droit d'en attendre le jour J face au chronomètre qui ne pardonne rien.

Portrait de Jean-Jacques Rousseau par Maurice Quentin de La Tour, 1753

Vous ne pouvez pas vous imaginer le plaisir de la ligne d'horizon d'un seul coup transformée en matière palpable, un port... La 42e unité kilométrique convertie en tarmac paroxystique. L'extrême plaisir, L'ultime délectation d'arrêter de mettre un pied devant l'autre et de recommencer pendant des heures entières. Un type, disons un coureur de fond, complètement cuit ; un type et son plan à dix balles sur les bonnes manières de se tenir debout en plein sur les terres de Monsieur Rousseau. Un type qui n'en veut à personne en particulier, mais au fait d'une volonté générale aveuglément tournée sur la défense des petits privilèges de chacun. Rousseau à Sparte, Rousseau de l'Émile ou de la jeune Héloïse, plutôt que cette France de courtisans, de libertins et de révolutionnaires hypocondriaques. Et pardonnez mon offense à Monsieur Voltaire pour qui j'éprouve tout de même un profond et silencieux respect. Non... vous n'imaginez pas, cette sorte de drap qui vous couvre, vous enrobe, l'étoffe qui vous nargue depuis le départ pour vous filer entre les doigts au pire moment. Les jambes en coton dans un costume de champion, devenu simple uniforme de galérien.


L'esprit qui divague, le délire, les hallucinations... Rousseau, Voltaire qui déraillent avant le dernier virage, les lumières anglaises, dans la ligne droite finale la Révolution française, l'art américain.. tout ce qu'on s'était battu pour en arriver là. Le type coure, il continue de courir alors que la ligne d'arrivée est déjà dépassée depuis longtemps. Le type, disons un coureur bien entraîné, mais qui ne sait pas ralentir dans les virages ; un type qui ne fait qu'accélérer pour se prouver qu'il n'est pas toujours obligé de freiner.



Le genre de type, ses semelles toutes cramées à force de toujours vouloir foncer dans le tas. Oui, voilà, ce type-là, comme il est, comme il aurait dû se voir avant, fut bel et bien pris à son propre piège d'essayer de se perdre en route, de se larguer en plein parcours au beau milieu d'une grande compétition classée au patrimoine sportif de l'humanité. Un contrat plombé, une belle leçon de morale à méditer.
Néon™