mercredi 22 avril 2009

LE COUP DE CHAUD / XVI



(ROMAN EN LIGNE)
LE COUP DE CHAUD
-16-



Un roman... et c'est évidemment Tony™ qui s'y recolle ! Sacré Tony ™ ! Un roman... ou une somme de lignes superposées au mouvement de l'air ambiant. Un de ces procédés écologiques pour dire la couleur verte qui lui coule dans les yeux au lieu d'une industrie lourde incapable de le distraire vraiment. Un roman... disons plutôt une correction à la volée d'un vieux manuscrit laissé pour compte par faute de temps, l'été 2003. Le coup de chaud... où ce qui arrive à force de prendre des douches froides au travers du cadre strict d'une météo de merde. Le coup de chaud ou une façon de décliner un paquet d'histoires anciennes, des engrenages, la mécanique rouillée des passions en retard. L'effort illuminé d'en découdre avec ses vieilles leçons de voyages, les malles défaites un peu partout dans le coeur de gens admirables et réconfortants. Le coup de chaud... comme on dirait : de La poésie, le cinéma... un tas d'emmerdements à la fin.


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CHAPITRE 8
in l'osmose
INTRODUCTION À LA NATURE HUMAINE


« Vanessa comment déjà ?... » Jules, recroquevillé sous les aulnes détrempés, fulmine contre la terre entière, la pluie, l’été pourri, les emmerdeurs, les cons, le mondialisme à la con, les antimondialistes, les alters… Tout ce qui pèse lourd dans la connerie générale ! Une météo infecte. Une simple coulemelle, mais d’une taille respectable d’au moins quarante centimètres s’ébranlait sous le grain. Juste une image d’un champignon tout à fait comestible du groupe des lépiotes, plantée dans le yeux de Jules qui commence à prendre l’eau… Une odeur significative de noisette. Jules s’était souvenu que son père adorait ça. Oui, les champignons avaient changé la vie de son père, il s’en souvenait très bien ; (son père et ses aphorismes à propos de la pluie, ses proverbes à propos du temps qu’il ferait…) et puis, les arbres aussi ; les charmes, les bouleaux, les hêtres, mais Jules n’aurait pas su dire exactement pourquoi.

Tony… Tony Chaumont, un nom de ville pour fonder une famille, et ça commençait mal forcément ! Tony, le mari de Marie… Pour vous dire la somme d’emmerdes dés le début. Marie, son petit cul bien foutu, tout son amour à revendre, et un gars du bâtiment qui préférait passer ses soirées au bistrot au lieu de rentrer bricoler à la maison, s’occuper des courses… Non, rien n’était gagné d’avance ! Jules s’était dit que pour sa mère non plus, les choses n’avaient pas toujours dû être faciles tous les jours. Toutes ces années, les meilleures… (Un taux de croissance annuel de 5% en France jusqu’en 1974 pour un taux de chômage de moins de 2%). Qu’est-ce qui n’avait pas marché ?

C’est-à-dire que c’est comme ça que les choses ont dû commencer. Une idée simple au départ, mais qui se faufile très vite dans les trous d’airs, qui profite du moindre interstice. De cette simple manière là. Une simple hypothèse de travail, un beau projet sur le papier ; le dessin d’un système qui fonctionne en théorie, mais parfaitement inapplicable dans la réalité. Voilà où nous en étions arrivés.

Jules est ratatiné sur lui avec des paquets d’eau qui lui dégouline de partout. Un sentiment amer alors qu’il est loin de la plage, des marées estivales. Un reflux balnéaire insinué dans l’été propice, et nous voilà bien avancé. Un vrai bordel à remettre en ordre depuis le décor imbibé et jusqu’à sa manière d’hêtre. Jules, que je vous dise aussi ! Le type, fonctionnaire à la direction d’un service abscond du cadastre, épris d’une Vanessa d’abord un peu trop jeune pour lui. Une Vanessa de style Baroque, et ses seins en forme de bombes à retardement pour espérer sauter quelques pages jusqu’à l’endroit d’un tableau vernis à l’ancienne. Un drôle de tableau avec Vanessa les cuisses ouvertes au milieu. Un type, et vous l’imaginez bien... le genre de type et sa cravate revêche pendu à son cou. Un acariâtre déguisé en chien de fusil à cause de sa crainte de finir noyé dans les bois sans que personne le chasse. Des symptômes d’une dyslexie détectée tardivement qui n’arrangeait rien. (Jules se rendait régulièrement dans un service de neuro-psychologie réputé d’un CHU parisien, mais son orthophoniste lui avait conseillé de ne plus insister). Le cadre de la fonction publique décentralisée trimballait comme ça quelques points d’embarras depuis l’enfance. Des difficultés de concentration qui nuisaient forcément à ses qualités de synthèses.

Sous le ciel dégringolé, Jules s’inquiète des masses de gris noircis ; s’inquiète et pour dire les choses honnêtement, finit par se chier dessus franchement. Une tendance aussi aux ulcères qui ne pouvait venir que de son père.

On cherche toujours dans la vie des gens ce qu’ils leur manque pour qu’ils puissent se détendre un peu. Une opinion toute faite sur la vanité des blizzards par exemple, Une certaine indifférence au mauvais temps, à toutes les mocheries climatiques passagères. Et puis ce tempérament sincère qu’il leur faudrait pour apprécier l’absurdité des histoires modernes (le chahut du temps présent, le goût des glissades racoleuses... les toboggans idéals du monde libre. Tout ce qui se passe à quinze mille au lieu des archanges obsolètes ; les kilomètres/heure avalés pour rien dans les ciels mornes, les crises de foi ; l’activité policière qui la remplace).

Pour Jules et son sens étendu des calculs, Jules qui pensait toujours à tout et toujours en même temps pour ne rien oublier d’important... cette nature humaine expressionniste pour ne pas dire plus, et pleine de salive à r’abord d’estomac, dégueulait d’instincts chaotiques et souffrait de désordres multiples ; un tas de gens dérangés qu’il conviendrait un jour de faire revenir à la raison par tous les moyens. Tous... et Jules pensa qu’il était déjà grand temps d’engager un processus de retour aux vraies valeurs, aux valeurs vraies, essentielles pour le bien commun et la condition générale. Un jour, ministre ou au moins secrétaire d’état, il veillerait enfin au respect des droites lignes et des carrefours balisés. Ce don qu’il avait contracté tout petit pour les horizons garantis, les destins certifiés. Dans le cinéma, le théâtre, la littérature comme dans le reste, au service du plan comme dans l’audiovisuel public... rien ne lui échapperait ! Ni la pluie, ni toute cette saloperie de mouillure forestière qui commence à lui rentrer dans le slip depuis bientôt une heure. Une grande mission de salubrité publique pour laquelle le fonctionnaire d’état se sentait tout désigné. Jules, malgré l’orage et les suintures saumâtres qu’il devinait ruisseler sous ses vêtements de peau, eut alors une sorte... d’érection, un vrai mouvement de désir fortuit à l’endroit du substrat arrosé, une démangeaison embarrassante comme lorsqu’il dépassait les gorges abjectes de cette petite secrétaire contractuelle du rez-de-chaussée. Vanessa... tout ce qu’il lui aurait bien avouer sur ce qu’il pensait vraiment d’elle, de ses seins comme une obsession ; un tas de films qu’il se faisait à propos de son corps bien fait et de ses grands yeux qui allaient avec ; les chewing-gums aux fruits qu’elle mâchait et sa robe rose un peu froissée à force de continuer d’avoir chaud les cuisses trempées sur son fauteuil en sky. (Une température exécrable pour à peine huit balles de l’heure !...) Vanessa... mais son chef de service n’avait encore jamais osé lui demander son nom entier (un des effets pervers des opérations délicates de remembrement(X) forcé. Des tas de terres ancestrales et leurs noms rustiques mélangés. Tout un ensemble de nouvelles marques™ de substitution pour remplacer les terroirs en tête de gondoles des grands magasins) le corollaire obscène du procédé d’ajustement cadastral des propriétés foncières. Une concentration de terres cuites au lance-flammes, les méthodes radicales d’un état incendiaire. L’histoire qui se consume, tout ce qu’on brûle un peu vite du passé sans jamais rien remplacer vraiment. Jules, prudent jusque dans ses convictions idéologiques, préféra ne rien juger en hâte d’une vraisemblable perversion d’un courant progressiste de gauche, insinué dans une nouvelle politique rationaliste de droite. Un point de vue qui en valait un autre... comme toutes formes de cogitation intellectuelle s’équivaudraient de plus en plus à partir des années quatre-vingt et des premiers usages de la cohabitation. Une idée comme ça, du moins celle d’un agent de l’administration fiscale chargé de mission sur son terrain d’investigation favori).

-X- En France, le remembrement en tant que tel, largement utilisé depuis l’empire romain jusque dans les années quatre-vingt pour faciliter l’application des politiques d’état en matière d’optimisation du secteur agricole et leur déploiement sur le territoire national, disparaîtrait, au moins sous cette forme, puisque la Loi Relative au Développement des Territoires Ruraux (LDTR du 23 février 2005) l'aura remplacée par la procédure d'Aménagement foncier agricole et forestier. (Où l’on parlerait aussi de remembrement dit écologique... ou d’une certaine prise de conscience du phénomène de destruction massive des barrières naturelles bien utiles contre un ensemble de fléaux environnementaux).